Fiche produit
LA GUERRE CIVILE EST DECLAREE
213,00 MAD TTC
Auteur(s)
Paviot Christophe
Éditeur(s)
Edts Dialogues
Date de parution
07/05/2013
DISPONIBILITE
Expédié sous 21 à 28 jours
Descriptif
Infos
Le mec l'aborde brutalement, hey mec. Il va lui proposer l'embrouille ou un truc illicite. Rue déserte, la nuit. Alors lui, il approche son front au bord de la casquette de l'autre, les yeux calés dans les siens. Ouais? Dis, ça t'intéresse une machine à café? Je bois pas de café. Ah ok, salut, bonne soirée. Bonne soirée a toi aussi. Faire peur à celui qui veut faire peur, ça c'est son truc. Il se déplace toujours avec un livre épais de Shakespeare à la main, histoire de défoncer la gueule du premier agresseur. Le truc est très abîmé, mais il n'a jamais abîmé personne avec ça, il a vingt-huit ans et il ne s'est jamais vraiment battu. Les livres, il les lit rarement, il résume leur utilité à celle d'une arme. Et puis, le peu qu'il en connaisse, il trouve que les écrivains la ramènent trop en général, ces types ont zappé que les gens ne lisent que pour s'endormir. Voilà ce qu'il en dit.
Ses parents l'ont baptisé Anthony mais il préfère se faire appeler Arnaud, son second prénom. Un héritage du côté de son oncle, son parrain, celui qui bosse chez Citroën à l'usine de la Janais. Un homme soudé une vie entière aux lignes de montage, à encastrer des éléments de plastique et de métal, sous la vigilance de la productivité.
Il a quelqu'un, elle s'appelle Estelle. Il a quitté quelqu'un d'autre pour elle. Une Stéphanie qui téléchargeait des films toute la journée en faisant cramer des bougies à la cannelle. Il se souvient très bien de ce qu'il pensait de leur relation après deux mois seulement passés ensemble, il se disait qu'ils étaient parfaits l'un pour l'autre, parfaitement incompatibles. Elle n'avait pas duré longtemps la période où ils avaient été si bien, l'un contre l'autre, à s'effleurer du bout des sentiments. Cette histoire avait quand même tenu deux ans trois quarts, il n'avait pas su comment la quitter. Il s'était même posé la question du suicide, ça lui paraissait plus facile que de la laisser. Il ne voulait pas la blesser, cette Stéphanie aurait pu se couper un bras pour lui. A l'époque, il avait même songé à s'engager dans l'armée pour partir à la guerre. La lâcheté fait faire de sacrées conneries quand même. Ses parents auraient pu perdre leur fils en Afghanistan à cause d'une fille fragile. Mais il n'est jamais parti courir dans le désert comme une charogne en guerre, il savait qu'une fois là-bas, ce n'était pas si simple de se faire percer la peau. Il aurait pourtant bien aimé que d'autres choisissent à sa place, si possible des ennemis, qu'on le ramène dans un rectangle sous un drapeau. Mais non, il ne s'est pas engagé, ni dans l'armée ni avec Stéphanie. Il l'a larguée un soir au jardin du Thabor, devant la volière des inséparables. Il l'a revue une seule fois depuis, un samedi, à la tombée du jour, il faisait de l'essence au Centre Aima, à la pompe de chez Carrefour. Les diodes lumineuses du tableau indiquaient qu'il avait déjà enfilé vingt bons litres dans son réservoir, quand la bagnole de Stéphanie était venue se coller au tuyau d'en face. Il l'avait regardée, complètement déboîté, incapable d'articuler un truc gentil, rien, même pas une saloperie. Il était remonté dans sa caisse, une sous-marque de Renault délocalisée en Roumanie. Il n'avait pas allumé la radio, songeant plutôt à ce qu'avait été la vie avec elle, songeant à ce qu'aurait été la vie avec elle. Il s'était évaporé dans la nuit, la ville de Rennes lui semblait assez grande pour vivre aux côtés de ses ennemis ou pour coexister à un quart d'heure de route d'un coeur massacré.
Ses parents l'ont baptisé Anthony mais il préfère se faire appeler Arnaud, son second prénom. Un héritage du côté de son oncle, son parrain, celui qui bosse chez Citroën à l'usine de la Janais. Un homme soudé une vie entière aux lignes de montage, à encastrer des éléments de plastique et de métal, sous la vigilance de la productivité.
Il a quelqu'un, elle s'appelle Estelle. Il a quitté quelqu'un d'autre pour elle. Une Stéphanie qui téléchargeait des films toute la journée en faisant cramer des bougies à la cannelle. Il se souvient très bien de ce qu'il pensait de leur relation après deux mois seulement passés ensemble, il se disait qu'ils étaient parfaits l'un pour l'autre, parfaitement incompatibles. Elle n'avait pas duré longtemps la période où ils avaient été si bien, l'un contre l'autre, à s'effleurer du bout des sentiments. Cette histoire avait quand même tenu deux ans trois quarts, il n'avait pas su comment la quitter. Il s'était même posé la question du suicide, ça lui paraissait plus facile que de la laisser. Il ne voulait pas la blesser, cette Stéphanie aurait pu se couper un bras pour lui. A l'époque, il avait même songé à s'engager dans l'armée pour partir à la guerre. La lâcheté fait faire de sacrées conneries quand même. Ses parents auraient pu perdre leur fils en Afghanistan à cause d'une fille fragile. Mais il n'est jamais parti courir dans le désert comme une charogne en guerre, il savait qu'une fois là-bas, ce n'était pas si simple de se faire percer la peau. Il aurait pourtant bien aimé que d'autres choisissent à sa place, si possible des ennemis, qu'on le ramène dans un rectangle sous un drapeau. Mais non, il ne s'est pas engagé, ni dans l'armée ni avec Stéphanie. Il l'a larguée un soir au jardin du Thabor, devant la volière des inséparables. Il l'a revue une seule fois depuis, un samedi, à la tombée du jour, il faisait de l'essence au Centre Aima, à la pompe de chez Carrefour. Les diodes lumineuses du tableau indiquaient qu'il avait déjà enfilé vingt bons litres dans son réservoir, quand la bagnole de Stéphanie était venue se coller au tuyau d'en face. Il l'avait regardée, complètement déboîté, incapable d'articuler un truc gentil, rien, même pas une saloperie. Il était remonté dans sa caisse, une sous-marque de Renault délocalisée en Roumanie. Il n'avait pas allumé la radio, songeant plutôt à ce qu'avait été la vie avec elle, songeant à ce qu'aurait été la vie avec elle. Il s'était évaporé dans la nuit, la ville de Rennes lui semblait assez grande pour vivre aux côtés de ses ennemis ou pour coexister à un quart d'heure de route d'un coeur massacré.